La façade occidentale
C'est
peut-être la composition la plus admirable de cet édifice : malgré la
servitude que représentait la poussée des grandes arcades, les
contreforts qui assurent la stabilité des flancs de la nef ont été entièrement
supprimés afin de laisser cette façade dans son parfait dépouillement.
Son parement magnifiquement taillé comporte d'ailleurs des traces de
reprises au-dessus du portail où les marques de tâcherons disparaissent
alors qu'elles sont encore très nombreuses sur les assises inférieures.
Seule la présence des trois oculus vient animer ce grand mur, mais le
choix des percements constitue à lui seul un prodige d'équilibre et
d'harmonie.
Les
restaurations du XIXe siècle ont Malheureusement été très profondes sur
la décoration du fronton et des ouvertures hautes de cette façade où le
registre inférieur a seul conservé son ordonnance romane.
Surélevé
par quelques marches formant un noble perron, le porche est encadré de
deux pilastres cannelés et de deux demi-colonnes engagées dont les
cannelures se terminent en spirale, sans aucun chapiteau : l'absence
de toute trace d'arrachement sur le parement montre bien que le parti
adopté n'en prévoyait pas. Cette étrange composition a (tt intrigué
les historiens de Saint-Paul qui ont souvent vu dans ce détail la marque
d'un inachèvement ou d'une restauration abusive Puisque cela
correspondait à une ligne de reprise. Or M. Lassalle a très
judicieusement souligné l'étroite parenté de cette façade avec
l'ordonnance de l'arc romain de Saint-Rémy : non seulement l'archivolte
sculptée de la porte évoque l'ouverture même de l'arc, décorée de son
bandeau de fleurs et de fruits, mais les quatre supports cannelés de
Saint-Paul correspondent exactement aux colonnes engagées du modèle
romain dont elles occupent les mêmes places et dont elles possèdent les
mêmes piédestaux. L'absence de chapiteaux n'est plus alors l'effet du
hasard ou d'une vicissitude historique mais au contraire la stricte
imitation du monument antique, qui devait déjà être mutilé dans son
couronnement à l'époque romane et que le sculpteur de Saint- Paul a
reproduit avec la plus scrupuleuse fidélité. Cet exemple montre
d'ailleurs combien l'Antiquité restait présente aux créateurs romans de
Provence et quel était son prestige auprès d'eux.
La
porte, qui s'ouvre par une simple entrée en plein cintre sans tympan, a
reçu une exceptionnelle décoration. Le bandeau de l'arc lui-même est
bordé d'un triple rang de fleurons, d'oves et de dents d'engrenage, mais
l'importance majeure est prise par l'archivolte, sculptée très en relief
comme un véritable arc retombant sur des piédroits de section carrée
par des impostes ornées de rais-de-coeur et supportant deux lions ailés
en haut relief. Elle comprend un tore souligné et couvert de feuilles
d'acanthes, puis une gorge profonde bordée par plusieurs rangées de
palmettes et d'acanthes dont les dernières très largement épanouies
sont caractérisées par la découpe des lobes au trépan.
A
l'intérieur de la gorge de fortes rosaces alternent avec des masques
humains d'une extrême qualité. Ce sont des têtes en relief, aux traits
expressifs, aux pommettes saillantes, à la chevelure abondante, dont les
yeux, les narines et les commissures des lèvres entrouvertes sont marqués
de trous de trépan.
M. Alan Borg, qui a eu le mérite d'attirer l'attention sur l'habileté
de ce magnifique artiste, a rapproché la décoration des deux porches de
Saint-Paul de celle de l'oculus de Saint-Gabriel et montré leurs liens
communs avec certaines sculptures de la galerie Nord du cloître de
Saint-Trophime d'Arles. Il a pu ainsi proposer cette hypothèse féconde
d'un tailleur de pierre quittant le chantier d'Arles pour travailler à la
chapelle de Saint-Gabriel, étudiant au passage les antiques de Saint-Rémy
et gagnant Saint-Paul pour se consacrer principalement à la sculpture des
deux portes où se retrouve toute son expérience. Un autre artiste, héritier
lui aussi de la tradition d'Arles, mais passé par les
Saintes-Maries-de-la-Mer et la cathédrale de Nîmes, aurait, nous l'avons
vu, travaillé à peu près dans le même temps à la décoration de la
nef de Saint-Paul, dont l'ordonnance doit beaucoup à l'inspiration des
monuments romains nîmois. Les deux maîtres se seraient retrouvés
ensuite à Saint-Restitut. Cette hypothèse fondée sur la parenté
stylistique des oeuvres aurait ainsi le mérite d'établir une chronologie
relative des édifices et de rendre compte de la profonde homogénéité
du groupe d'églises bâties autour de l'archevêché d’Arles. |
Le porche méridional
A
la seconde travée s'ouvre le porche latéral dont la façade à fronton
triangulaire, reprise au XVe siècle, s'orne de protomés de chevaux. Sur
plan carré, ce porche est voûté d'une croisée d'ogives dont la robuste
nervure de profil torique retombe sur des colonnettes à fûts lisses ou
torsadés, avec des chapiteaux à feuilles d'acanthe. Sur les faces latérales,
des arcatures aveugles reposent sur des impostes moulurées. La porte
donnant sur l'église, modifiée au XVIIe siècle avec un linteau
appareillé, avait reçu un tympan sculpté, représentant l'Adoration des
mages, qui fut détruit la veille de Noël 1561 par les protestants. Seule
en subsiste la décoration de l'archivolte dont le riche répertoire
grammatical évoque, malgré ses mutilations, celui de la façade
occidentale. Un bandeau lesbique, des oves et une grecque bordent un tore
épais recouvert de feuilles d'acanthe; puis une gorge peuplée de masques
humains alternant avec un décor floral s'incurve sous une série de
feuilles très découpées et une rangée de larges acanthes rappelant
l'ordonnance de l'oculus de Saint-Gabriel. |